Un moratoire de 50 ans protège les fonds marins du Parc
29 avril 2025

Le congrès de la Nouvelle-Calédonie a voté ce mardi 29 avril le moratoire concernant les ressources profondes dans l’espace maritime de la Nouvelle-Calédonie. Le texte interdit pendant 50 ans la prospection, l’exploration et l’exploitation des ressources minérales, minières, gazières ou pétrolières, dans les fonds marins du parc naturel de la mer de Corail. Il fixe les sanctions en cas de transgression, mais autorise la recherche scientifique, à condition qu’elle n’ait pas d’impact sur l’environnement marin.
Cinquante ans de répit pour les fonds marins calédoniens ! Le moratoire voté ce mardi interdit pendant les 50 prochaines années la prospection, l’exploration et l’exploitation des ressources minérales (minières, gazières ou pétrolières), dans l’espace maritime de la Nouvelle-Calédonie, de manière à préserver les fonds marins du parc naturel de la mer de Corail.
Les missions de recherche scientifique restent autorisées « à condition qu’elles n’engendrent pas d’impacts significatifs sur les milieux et les équilibres naturels »: certaines méthodes d’exploration qui ont pour objet l’acquisition de connaissances et réputées non invasives pour l’environnement font donc exception, mais elles feront l’objet d’une évaluation environnementale. La Nouvelle-Calédonie doit en effet tenter de combler les lacunes scientifiques sur les fonds océaniques pour mieux appréhender les enjeux et les risques à l’issue du moratoire. Les modalités d’instruction des demandes d’autorisation seront fixées par arrêté du gouvernement.
La loi du pays fixe en outre les modes de sanction en cas de non-respect - semblables à ceux définis dans le cadre de l’interdiction d’accéder à une réserve intégrale : une amende administrative de cinq millions de francs CFP maximum pour une personne physique et de vingt millions de francs pour une personne morale. Un montant qui pourrait être doublé en cas de récidive.
Le texte prévoit une « clause de revoyure » : le public, les institutions et les parties prenantes « dont l’avis est jugé utile » devront être consultés pour envisager son éventuel renouvellement sur la base d’un bilan, au plus tard un an avant la fin du moratoire.
Une richesse difficile à mesurer
L’exploitation des fonds marins suscite de vives inquiétudes au niveau mondial concernant les ravages potentiels pour les écosystèmes fragiles des grands fonds et les impacts en cascade sur la vie marine, les ressources en espèces pour la pêche et plus globalement le rôle de l’océan comme régulateur de température de l’atmosphère, de pompe à carbone et de fabrique à oxygène. En effet, les modes d’exploration et d’extraction sont très impactant pour ces milieux éminemment fragiles, très peu résilients, où les organismes présents et pour une large part méconnus se caractérisent par une croissance lente, voire très lente. Des milliers d’espèces restent à découvrir. L’exploration menacerait leur survie et, par ricochet, tous les écosystèmes associés, la colonne d’eau jusqu’à la surface, la circulation des espèces exploitables, les récifs coralliens…
Cependant, de nombreux indices laissent deviner la présence de ressources minérales à fort potentiel qui pourraient aiguiser les appétits : hydrocarbures, hydrogène, nodules polymétalliques, encroûtements sulfurés et métaux rares... C’est l’incroyable géodiversité de toute la zone maritime calédonienne qui autorise à le penser : qu’il s’agisse « du volcanisme de type hawaïen, des reliques du supercontinent Gondwana, du volcanisme actif d’arc insulaire de subduction, des dorsales d’expansion océanique, des bassins océaniques, du manteau terrestre affleurant, des bassins contenant plusieurs kilomètres de sédiments, une fosse pouvant atteindre 7,9 km de profondeur et aussi du développement de récifs et de plateformes carbonatées depuis plusieurs millions d’années ». Une richesse géologique qui a de quoi susciter les convoitises de grands groupes industriels et des spéculateurs… sous réserve de sérieux progrès techniques dans le domaine de l’exploration en eaux profondes.
Une pression internationale
Certains États du Pacifique cèdent déjà aux sirènes du profit immédiat en soldant leur patrimoine écologique, d’autres résistent. La Polynésie française a adopté une déclaration solennelle pour un moratoire, concernant la seule exploitation, sans limite de temps en 2022. L’assemblée de Wallis-et-Futuna a émis un vœu pour un moratoire de 50 ans.
L’avant-projet de moratoire proposé initialement pour une durée de 10 ans avait été adopté par le gouvernement le 23 novembre 2022, après un important travail de concertation avec toutes les parties prenantes impliquées dans la gestion du Parc. Il a reçu un avis favorable du conseil économique social et environnemental, du Conseil d’État, du Comité consultatif de l’environnement, du conseil des mines, du comité de gestion mais également lors de la consultation du public.
Les élus du congrès ont choisi d’allonger la durée du moratoire à 50 ans afin de préserver l’océan, « origine de toute vie » au sens océanien, et prendre davantage en compte cette dimension à la fois culturelle et holistique – qui prévaut sur les intérêts économiques.
Le délai du moratoire doit permettre d’approfondir les connaissances scientifiques sur ces surfaces pour la plupart inexplorées, de manière à éclairer les générations futures sur les décisions à prendre quant à ce patrimoine dont l’importance dépasse largement les limites de nos eaux et les seuls intérêts des Calédoniens.
Grands fonds marins : un formidable terrain de recherche
Les grands fonds marins suscitent l’intérêt des chercheurs en géosciences depuis les années 1960 : de nombreuses données ont été accumulées depuis, notamment grâce aux campagnes menées avec les navires de la flotte océanographique française. Entre 1990 et 2014, le programme ZONECO cofinancé par l’État et la Nouvelle-Calédonie a permis de mener sept campagnes de géophysique dans la mer de Corail et de nombreuses explorations côtières. De nouvelles connaissances complétées par les données géologiques de références rassemblées par la direction de l’industrie, des mines et de l’énergie (DIMENC) depuis 2012, des partenariats avec les services géologiques australien ou néo-zélandais et 13 campagnes menées par l’Ifremer et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Une seule certitude : il reste beaucoup à découvrir, qu’il s’agisse de créatures inconnues ou de richesses insoupçonnées.