Des requins sous haute surveillance

15 novembre 2017

Science

Marquage d'un requin albi IRD Apex.jpg

Améliorer la protection des requins en Calédonie et notamment dans le parc naturel de la mer de Corail est au cœur de la mission scientifique APEX supervisée par le Dr Laurent Vigliola de l’IRD, en étroite collaboration avec une communauté internationale de chercheurs. Plusieurs techniques d’observation sont privilégiées, dont le réseau d’écoute sous-marine entre la Calédonie et l’Australie.

Suivre les requins à distance dans le Pacifique Sud est rendu possible notamment grâce à une puce électronique, véritable émetteur radio acoustique. Les scientifiques l’insèrent dans la cavité abdominale du requin puis un signal est émis chaque minute et enregistré dès que le poisson passe à proximité d’une station d’écoute sous-marine. Grâce à ce procédé réalisé en partenariat avec le gouvernement calédonien, la fondation Total, et Pew charitable trust, un véritable réseau de surveillance acoustique existe en Calédonie et  en Australie, et au niveau mondial. Autour de la Grande-Terre, aux Chesterfield et aux atolls d’Entrecasteaux, 83 stations d’écoute servent à donner la position de 200 requins équipés en 2015 et qui émettront jusqu’à fin 2019. Côté australien, ce dispositif soumis à réglementation fait état de plus de 2 000 stations acoustiques. La base de données de suivi sur les animaux contient, elle, plus de 65 millions de détections en Australie, et déjà plus de 2 millions en Calédonie ! Une communauté de spécialistes australiens assure la collecte et l’analyse des informations du réseau australien via le Réseau national de suivi de l’Océan. En Calédonie, l’IRD assure la maintenance du réseau (voir photo ci-dessous) à partir de l’Amborella, navire du gouvernement calédonien, et coordonne l’analyse des données avec l’équipe du Pr David Mouillot de l’Université de Montpellier.

Des relevés de données réguliers

 

Réseau de surveillance acoustique entre la Calédonie et l'Australie en 2015 Projet APEX.jpg

« Le gouvernement australien a pérennisé son réseau depuis plusieurs années en collaboration avec les instituts et universités australiens », explique Laurent Vigliola, chercheur à l’IRD qui, dans le cadre du programme APEX, collabore avec le Dr Robbins de Wildlife Marine. « Lorsque des animaux marqués en Nouvelle-Calédonie vont en Australie, ils peuvent être détectés s’ils parviennent à atteindre le réseau australien avant d’être capturés ou pêchés. » Grâce à un relevé régulier des stations d’écoute australiennes, les collègues australiens de Laurent Vigliola l’informent dès que des poissons marqués par le scientifique sont détectés. Autre technique mise en œuvre avec l’Australie : les stéréo-caméras appâtées. Une technique d’appât avec caméra utilisée pour mieux connaître la diversité, l’abondance et la taille des prédateurs dans un lieu donné. Le Pr Jessica Meeuwig de l’Université d’Australie occidentale et le Dr Tom Letessier de la Société zoologique de Londres, partenaires principaux, sont en charge de ces mesures. Enfin, de minuscules caméras de grande autonomie peuvent être fixées sur la nageoire dorsale des requins et enregistrer ce que l’animal voit et fait pendant plusieurs heures.

 

Des "Aussie" vidéo caméras !

 

Déploiement d'une Cats Cam Projet APEX.png
Installation d'une Cats Cam sur l'aileron d'un requin Projet APEXmarie-helene.merlini

Cette technologie de pointe au service de la recherche scientifique doit offrir, à terme, un suivi détaillé de la vie d’un requin et de son mode de vie. Ce sont les Dr Fabrice Jaine et Nikolai Liebsch de la société australienne CATS (Customized Animal Tracking Solutions) qui ont développé ces appareils miniatures multifonctions. Ils intègrent une caméra capable d’enregistrer jusqu’à plusieurs heures de vidéo en continu et en haute résolution.

Le nom de ce bijou technologique ? La Cats Cam qui combine, notamment, images vidéo, accéléromètre en 3D et profondimètre. En juillet 2016, le déploiement d’une première caméra attachée à l'aileron dorsal des requins a été réalisé avec succès avec le Dr Jeremy Kiska de l’Université internationale de Floride. « Malheureusement la caméra a refait surface loin du lieu prévu, et a donc été perdue, indique Laurent Vigliola. L’océan a été le plus fort cette fois-là, mais nous allons travailler, insister, et essayer à nouveau très bientôt. »

Débutée en juillet 2015, la mission APEX, à raison de trois campagnes par an, se poursuivra jusqu’en juillet 2019. Le programme devrait être étendu jusqu’en 2021.