Des tortues vertes suivies à la trace
05 January 2022
Dès octobre, les tortues vertes quittent leur site d’alimentation et migrent vers leur site de reproduction, dans les eaux avoisinant les plages où elles sont nées. Les îlots d’Entrecasteaux et des Chesterfield sont ainsi visités chaque année par des milliers de tortues. Le service du parc naturel de la mer de Corail et de la pêche se charge d’effectuer le suivi annuel de leur fréquentation. Voici les retours de la dernière mission effectuée à bord de l’Amborella, début décembre.
Aux premières lueurs du jour, Morgane Reix-Tronquet et ses collègues descendent sur les îlots des Chesterfield et d’Entrecasteaux. Ils font le tour de chaque île. Le premier de l’équipe compte les traces qui coupent le trait dessiné dans le sable la veille, deux autres passent la herse et le râteau afin de les effacer, un dernier dessine un nouveau trait à l’aide d’un boulet. Ce qui les intéresse ce ne sont pas n’importe quelles traces mais celles, facilement reconnaissables, des tortues vertes. Chaque année, entre novembre et février, les femelles sortent de l’eau et se rendent sur les îlots du parc naturel de la mer de Corail pour déposer une centaine d’œufs à chaque ponte. Même si ce n’est pas toujours une réussite: parfois les conditions ne leur plaisent pas ou un événement particulier les dérange, elles font alors demi-tour. « Si on compte 4 traces qui coupent le trait, on estime qu’il y a eu deux montées de tortues, décrit Morgane Reix-Tronquet chargée de la science dans le parc naturel de la mer de Corail pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Il n’est pas rare pour les équipes, lors de leur ronde matinale, de croiser quelques tortues. En effet, elles se rendent sur les îlots dès le coucher du soleil et certaines, plus tardives, montent aux aurores. « Durant la dernière mission, alors que nous bivouaquions sur Huon, une nuit, une tortue est venue pondre tout près de nous, à même pas deux mètres de notre campement. Nous avons attendu, sans la déranger, qu’elle ait creusé son trou et commencé à pondre, pour filmer des images de ce moment si particulier », décrit-elle. Lorsqu’elle pond, la tortue entre dans une sorte de transe et ne réalise plus ce qui se déroule autour d’elle. Morgane Reix-Tronquet ajoute avec le sourire : « Nous avons aussi observé des émergences en plein jour, ce qui est plutôt inhabituel. Ce n’est pas la première fois que je vois des bébés tortues mais c’est toujours l’euphorie. »
Des sites mondialement reconnus
Chaque année, le service du parc naturel de la mer de Corail et de la pêche effectue le suivi de la fréquentation des îlots du parc par les tortues. Depuis 2007, les équipes se rendent à d’Entrecasteaux et depuis 2011 à Chesterfield, où elles évaluent la fréquentation des tortues vertes femelles sur les îlots. Cette année, par exemple, lors de leur mission à bord de l’Amborella début décembre, plus d’une centaine de montées ont été dénombrées par nuit à l’île Longue, l’îlot de référence des Chesterfield, suivi tous les ans. A d’Entrecasteaux, l’île Huon, la plus fréquentée du Parc par les tortues, plus de 300 montées ont été dénombrées chaque nuit . A savoir que début décembre ne correspond pas encore au pic de ponte qui se situe aux alentours du 31 décembre. Un bilan des dix années de suivi, effectué en 2017, a conclu qu’Entrecasteaux et Chesterfield étaient des sites reconnus mondialement pour la nidification de la tortue verte. « En revanche, nous devons encore attendre pour avoir une idée de l’état de santé de la population, il faut un minimum de 20 années de suivi », précise Morgane Reix-Tronquet. La tortue verte, même si elle est souvent observée dans le lagon calédonien, est une espèce en danger d'extinction selon l’UICN. Sa population mondiale a diminué de moitié en 100 ans. Seule une tortue sur 1000 arrive à l’âge de reproduction (entre 20 et 30 ans). D’où l’importance pour le gestionnaire de préserver ce joyau en menant à bien ces campagnes annuelles de suivi.