Programme Mégafaune : AIPANEMA, à l’écoute de la vie marine du Parc
09 September 2025

Développé dans le cadre du suivi de la mégafaune marine du parc naturel de la mer de Corail, le projet AIPANEMA (Artificial Intelligence and Passive Acoustics for NEw Management Actions) consiste à déployer dix hydrophones pour assurer, pendant deux ans, le suivi des paysages sonores sous-marins de trois sites emblématiques: les atolls d’Entrecasteaux, les récifs des Chesterfield et les récifs de l’île de Walpole.
Quand la technologie se met au service de la conservation.
L’installation d’un dispositif innovant de suivi sonore des écosystèmes a été confiée à la jeune société réunionnaise Reef Pulse, créée en 2021 et bénéficiaire d’un financement européen BESTLIFE 2030 – le programme de subventions pour la biodiversité dans les territoires d’outre-mer de l’Union européenne. Cette jeune société développe une combinaison de technologies de pointe liées à l’acoustique passive : une solution qui permet un enregistrement continu sur plusieurs années, la collecte de données standardisées facilitant la comparaison intersites, ou d’une période à l’autre, et un suivi non intrusif des écosystèmes marins et de la faune associée (cétacés, tortues, poissons brouteurs des récifs coralliens…) qui ne s’en trouve pas perturbée.
Les dispositifs sous-marins – un corps mort supportant un mât auquel est fixé l’hydrophone – permettent d’enregistrer le paysage sonore : les sons émis par la faune marine sont, en effet, riches d’informations utiles au suivi des espèces.
Mieux connaître pour mieux protéger
Initialement conçu en appui des volets « Grands requins » et « Cétacés » du programme Mégafaune1, ce projet doit également contribuer au suivi des récifs sur les trois sites ciblés.
L’analyse des données acoustiques fournit aux chercheurs et aux gestionnaires des informations clés sur la vitalité du milieu, en mesurant l'activité des espèces étudiées, en évaluant la biomasse de poissons ou en quantifiant la pollution sonore.
Ces informations doivent permettre d’adapter les mesures de gestion et de conservation au bénéfice des espèces emblématiques et des écosystèmes.
Mission accomplie aux Chesterfield
Les premières poses d’enregistreurs ont eu lieu au cours de la mission Mégafaune aux Chesterfield, du 7 au 22 juillet, à bord du catamaran Nautilus 360 (Squale Odyssey). L’objectif spécifique de cette première mission des volets Requins et Cétacés, encadrée par deux chercheurs de l’IRD – Solène Derville et Laurent Vigliola –, était de déployer quatre dispositifs d’enregistrement autour de l’îlot Bampton, au nord du plateau, et de l’île Longue, au sud. Conformément aux recommandations formulées par le comité scientifique du Parc, en novembre 2024, le plan de positionnement des hydrophones correspond à des zones proches des stations existantes de suivi des récifs. Cette proximité permettra de croiser les données issues des différents types de suivis mis en œuvre sur ces sites, afin d’éclairer leur gestion avec des informations les plus exhaustives possibles.
Différents types de matériels (enregistreurs Soundtrap, Abyssens couplé à un hydrophone, ou encore Vemco pour le suivi des requins marqués) ont été installés sur des sites présentant des caractéristiques hydrodynamiques et écologiques contrastées : exposition aux houles dominantes et aux courants plus ou moins forte, couverture corallienne plus ou moins dense.
Pose extrême
« Cette diversité va permettre de réaliser un premier état des lieux des dynamiques des paysages sonores sur différents types d’habitat récifal rencontrés sur le plateau des Chesterfield… », souligne Simon Élise, dépêché sur le terrain par Reef Pulse. L’installation s’est faite depuis l’annexe du catamaran, dans des conditions météorologiques changeantes et au gré d’un courant parfois fort : le site de pose était d’abord repéré et légèrement réajusté au besoin, afin d’être au plus proche des sites décidés conjointement avec le SPNMCP, à une profondeur d’environ 15 mètres et dans une zone d’installation viable (avec la garantie d’un impact minimal).
Maintenu au-dessus du site, le dispositif (constitué d’un corps mort en béton de 75 kilos, d’un mât de 1 m 20, avec jambes de force, et d’un enregistreur) était pris en charge par les plongeurs (Sylvain Roblet de l’université Côte d’Azur, Sahira Bell de Sea Country Solutions et Simon Élise, co-fondateur de Reef Pulse) et descendu au fond grâce à un parachute de relevage.
Dans un peu moins d’un an, l’enregistreur sera remonté en surface pour opérer, au sec, le renouvellement des cartes mémoires et des batteries, et la remise à l’heure de l’horloge interne. Au cours de la même journée, les enregistreurs seront réinstallés à l’identique sur leur corps-mort.
Deux autres campagnes d’installation sont planifiées en septembre, sur l’île de Walpole, et en novembre, sur les atolls d’Entrecasteaux.
Le programme de suivi de la mégafaune du parc naturel de la mer de Corail a reçu le soutien financier de l’État, à hauteur de 89 millions de francs CFP, via le Fonds vert et le programme France nation verte, et celui de l’Office français de la biodiversité, à hauteur de 72,9 millions de francs CFP. Il est conduit et cofinancé par le service du parc naturel de la mer de Corail et de la pêche du gouvernement de la Nouvelle–Calédonie, en partenariat avec l’Institut de recherche pour le développement et le WWF – Fonds mondial pour la nature – France.