Comité scientifique de la WCPFC : des avancées stratégiques pour la Nouvelle-Calédonie
Le service du parc naturel de la mer de Corail et de la pêche représentait la Nouvelle-Calédonie à la 20e session du comité scientifique de la WCPFC, commission des pêches du Pacifique occidental et central, organisée du 14 au 21 août à Manille, aux Philippines. Au programme : point de situation sur les stocks de thons et poissons grands migrateurs et recommandations sur les mesures de gestion à mettre en place.
L’un des sujets majeurs de cette 20e réunion du comité scientifique de la WCPFC[1], concernait précisément l'exploitation durable du thon blanc, avec la présentation d'un nouvel état du stock rassurant. La nouvelle estimation indique, en effet, que le stock de thon blanc du Pacifique sud n'est ni surexploité ni en situation de surpêche. Les estimations de biomasse sont d’ailleurs moins pessimistes que lors de la précédente évaluation. Certaines incertitudes ont toutefois été soulevées, notamment concernant l'impact du changement climatique sur le renouvellement du stock, ainsi que sur la structure de la population. Les premières analyses génétiques réalisées sur des individus capturés en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française indiquent une faible connectivité génétique entre l'Est et l'Ouest du bassin, ce qui soulève une interrogation sur l’existence potentielle de stocks distincts. Afin de lever ces incertitudes, la commission a recommandé la poursuite des travaux de génétique en cours… Une proposition soutenue par la Nouvelle-Calédonie déjà impliquée dans la collecte d'échantillons biologiques au travers de son programme « Observateurs des pêches ».
Mesures de gestion : des scénarios à l’étude
Sur la base de la nouvelle évaluation de stock, le comité scientifique de la WCPFC a examiné les propositions de mesures de gestion de la pêcherie qui en découlent. Différents scénarios ont été explorés afin d'évaluer les volumes de captures compatibles avec un niveau de biomasse cible et qui garantissent une exploitation optimale du stock. Malheureusement impactées par les émeutes de mai en Nouvelle-Calédonie, les équipes de la CPS - fournisseur de service scientifique de la WCPFC, n’ont pas été en mesure de présenter les résultats attendus en matière de procédures de gestion (définies selon un modèle choisi adopté par le comité scientifique). Ce travail sera complété dans les prochaines semaines et sera soumis à la commission pour qu’elle puisse poursuivre le développement de sa stratégie de gestion du thon blanc.
Une exemption concernant les oiseaux marins
Autre sujet sensible pour la Nouvelle-Calédonie : la proposition faite par la Nouvelle-Zélande de réviser la mesure de gestion sur les oiseaux marins, en particulier pour des espèces comme l’albatros rarement observées dans la ZÉE calédonienne. Cette mesure contraindrait les pêcheurs calédoniens à l'utilisation de dispositifs d'effarouchement coûteux à acquérir et contraignant à mettre en place, sans effet sur les populations d’oiseaux que la Nouvelle-Zélande souhaite protéger : un investissement disproportionné au regard du risque réel dans la ZÉE calédonienne.
De nombreuses discussions bilatérales ont eu lieu entre les délégués calédoniens et néo-zélandais. Ces échanges ont permis de mettre en lumière l'absence d'interaction entre les pêcheries calédoniennes et les populations d'oiseaux visées par la Nouvelle-Zélande. Pour autant, la Nouvelle-Calédonie ne s’affranchit pas de ses responsabilités en matière de protection aviaire et souhaite également mettre en œuvre les mesures nécessaires et adaptées à ses milieux en matière de diminution des captures accidentelles d'oiseaux marins - phénomènes assez rares, si l’on en croit les données historiques d’observation. Des tests concernant les moyens d’effarouchement sont d’ores et déjà envisagés en mer de Corail avec le concours de la profession.
Exploitation des fonds marins
Compte tenu du risque d'impact direct ou indirect de l'exploitation des ressources minérales profondes sur les écosystèmes et par extension sur la pêche thonière, et afin de garantir l'accès à un niveau d'informations suffisant pour appréhender la problématique, le Secrétariat de la commission propose de solliciter le statut d'observateur auprès de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM). Cette proposition n'a pas obtenu de consensus.
La Nouvelle-Calédonie, qui soutient la proposition du Secrétariat de la WCPFC, a pu défendre son point de vue, argumentant à la fois sur la base du texte de la convention d'Honolulu, mais également sur les conclusions d'une étude de l'AIFM qui reconnait de potentiels impacts indirects.
À l'issue des débats, le comité scientifique a finalement donné son accord pour que cette proposition soit examinée par la commission en fin d'année.
Partage d’expérience sur la déprédation et les captures accidentelles
Pour la première fois, la Nouvelle-Calédonie a soumis et présenté, un document d'information sur les études conduites dans l’archipel, en lien avec l’IRD, concernant le phénomène de déprédation des lignes de pêche par les mammifères marins, ainsi que sur le développement de dispositif de répulsion des requins visant à empêcher leur capture accidentelle. Le projet Shark Guard, testé en Nouvelle-Calédonie dans les conditions réelles de pêche avec la fédération des pêcheurs hauturiers et la société Fishtech Marine, offre une innovation technologique intéressante en réponse à cette problématique régionale. La réduction est substantielle, sans pour autant diminuer les captures d’espèces ciblées.
[1] Voir l’encadré.
La WCPFC : depuis 20 ans au service de la pêche dans le Pacifique
La Commission pour la conservation et la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans l'océan Pacifique occidental et central (WCPFC, The Western and Central Pacific Fisheries Commission) est une organisation régionale de gestion des pêches créée pour conserver et gérer les stocks dans les ZÉE des pays océaniens, comme dans les eaux internationales dans l'ensemble de l’océan Pacifique central et occidental. En service depuis 2005, son secrétariat est basé à Ponape (Pohnpei), en Micronésie.
La WCPFC a été établie par un traité international : la « Convention sur la conservation et la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans l'océan Pacifique occidental et central », entré en vigueur le 19 juin 2004. C’est le deuxième accord régional de gestion des pêches négocié depuis la conclusion de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons de 1995.
La WCPFC comporte 25 membres : l'Australie, la Chine, le Canada, les Îles Cook, l'Union européenne, les États fédérés de Micronésie, Fidji, la France, le Japon, Kiribati, la République de Corée, la République des Îles Marshall, Nauru, la Nouvelle-Zélande, Niue, Palau, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Philippines, Samoa, les Îles Salomon, Taipei chinois, le Royaume de Tonga, Tuvalu, les États-Unis d'Amérique et le Vanuatu.
La Nouvelle-Calédonie bénéficie du statut de « territoire participant », au même titre que Wallis-et-Futuna, la Polynésie française, les Samoa américaines, les Îles Mariannes du Nord, Guam ou Tokelau. Un territoire participant prend part aux négociations, mais ne dispose pas d’un droit de vote : il ne peut bloquer seul un consensus.
La WCPFC compte trois instances principales :
- le comité scientifique : il fait des points de situation sur le programme de travaux scientifiques, l’état des stocks et des pêcheries… et établit des recommandations en relation avec l’information scientifique disponible ;
- le comité technique et de contrôle : il étudie le respect des mesures de gestion par les membres et propose également des mesures appropriées au regard des recommandations scientifiques et des implications techniques ;
- la réunion plénière de la Commission : elle prend les décisions sur la base des recommandations des organes subsidiaires précédemment présentés.