La pêche hauturière calédonienne innove pour protéger les requins
19 December 2025
Du 29 octobre au 3 décembre 2025, la Fédération des Pêcheurs Hauturiers de la Nouvelle-Calédonie a mené, avec la société Fishtek Marine et l’appui du service du parc naturel de la mer de Corail et de la pêche du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, une nouvelle campagne d’essais en mer du dispositif SharkGuard.
Ce petit boîtier électronique fixé sur la ligne de pêche génère un champ électrique de faible portée qui repousse les requins sans affecter les poissons ciblés par la pêche hauturière.
Avec ce projet innovant d’intérêt mondial, la Nouvelle-Calédonie et ses partenaires affirment leur engagement pour une pêche durable et responsable, au service de la préservation de la biodiversité marine.
Réduire les captures accidentelles de requins lors des campagnes de pêche en haute mer, tout en maintenant la performance des navires calédoniens, c’est l’objectif du dispositif SharkGuard, développé par la société britannique Fishtek Marine. La Fédération des Pêcheurs Hauturiers et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sont engagés depuis déjà trois ans auprès de l’opérateur privé pour contribuer aux essais grandeur nature en mer de Corail et confirmer l’efficacité de son dispositif. «Nous avons consulté des pêcheries du monde entier pour tester cette nouvelle technologie révolutionnaire. La Nouvelle-Calédonie s'est distinguée par l'abondance de thons et de requins dans les eaux de son parc marin. Cependant, c'est l'accueil positif et proactif des entreprises de pêche néo-calédoniennes et du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie qui a permis le succès de notre nouvelle collaboration » explique le docteur Robert Enever, directeur de la stratégie scientifique et de conservation chez Fishtek Marine.
Les premiers essais menés, en 2023, en Méditerranée et en Nouvelle-Calédonie, s’étaient déjà montrés concluants avec une baisse de près de 65 % des captures de requins sur les lignes des navires hauturiers calédoniens qui avaient alors participé aux tests, sans diminution des captures d’espèces commerciales.
Du 29 octobre au 3 décembre 2025, deux nouvelles campagnes d’essais en mer du dispositif ont été menées à bord de navires de la Fédération des Pêcheurs Hauturiers, impliquant les équipages du capitaine Léon Moilou, sur La Voie du Nord, de l’armement Baby Blue, et du capitaine Joseph Bouedaou, sur le Saint-Raphaël, de l’Armement du Nord. À bord, pour chaque mission étaient présents un ingénieur de Fishtek Marine et un observateur des pêches de la Nouvelle-Calédonie, chargé de relever les données de capture et d’observer la manipulation et le comportement du dispositif.
Selon Robert Enever, « ces essais, une première mondiale, constituent une véritable innovation : ils ont le potentiel de transformer radicalement la pêche pélagique à la palangre, en permettant aux pêcheurs de poursuivre leurs activités, mais de manière plus précise, en ciblant uniquement les espèces recherchées »
Un enjeu pour la pêche palangrière locale
La pêche à la palangre horizontale dérivante utilise des lignes d’hameçons circulaires appâtés, seule technique pratiquée dans la ZÉE de la Nouvelle-Calédonie. Elle vise la capture d’espèces retenues pour la commercialisation : thons, marlins, saumons des dieux, wahoo, etc., mais elle induit la capture d’espèces « non retenues », car non commerciales, hors taille ou abîmées… Attirés par les appâts, les requins font partie de ces prises accidentelles. Or, la filière mobilisée autour des objectifs de conservation a cessé de façon volontaire la capture commerciale de requins depuis 2008.
En 2024, les données du programme « Observateurs des pêches » affichent 84,7 % de captures retenues, 15,3 % d'espèces non retenues, dont 11,7% de poissons non commercialisables et 3,6 % de requins pris de façon accidentelle.
Une innovation technologique au service de la pêche durable
Le projet consiste à développer un dispositif de répulsion des requins déployable sur les bas de ligne de la palangre. Le dispositif électronique de petite taille est fixé sur la ligne de pêche, à proximité de l’hameçon. Lorsqu’il est immergé, il génère un champ électrique de faible portée qui stimule les organes électrosensibles des requins, appelés « ampoules de Lorenzini ». Ces signaux les dissuadent de s’approcher des appâts, sans perturber le comportement des poissons ciblés, tels que les thons… à condition que le SharkGuard soit positionné à la bonne hauteur sur la ligne.
Les résultats prometteurs de 2023 ont encouragé les pêcheurs hauturiers calédoniens et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à poursuivre les tests dans des conditions réelles de pêche avec les nouveaux prototypes proposés par Fishtek Marine, qui disposent notamment de batteries intégrées rechargeables, plus pratiques, et d’une couleur non perceptible par les requins.
Des essais coordonnés avec la filière et les scientifiques
Les équipes ont déployé à chaque trajet, 680 dispositifs, avec, pour objectif de consolider les données techniques et scientifiques issues des premiers essais de 2023, notamment la hauteur d’accroche du boîtier sur la ligne de pêche. Les tests avaient également pour but d’éprouver le nouveau dispositif à batterie rechargeable et le caisson de recharge et leur adéquation aux contraintes de la pêche hauturière calédonienne : maniement, rangement, recharge. Les équipages ont ainsi pu évaluer l’efficacité, la durabilité et la performance du matériel et s'assurer que le dispositif n'a pas d’impact sur les captures de thonidés. L’enjeu est que les manipulations liées au dispositif ne perturbent pas les opérations de pêche, d’où l’intérêt pour Fishtek Marine « d’associer les professionnels de la pêche et gestionnaires de l’espace maritime à la conception d’un outil techniquement efficace et compatible avec leurs pratiques et leurs attentes ».
« La FPH est fière de s'engager activement dans la promotion et le soutien de la science marine, au sein du parc naturel de la mer de Corail. À travers notre participation au projet SharkGuard, nous démontrons notre volonté de concilier durabilité, innovation technologique et protection de notre biodiversité marine » souligne Mario Lopez, président de la FPH NC.
Les informations collectées permettront de mesurer scientifiquement l’efficacité du SharkGuard, de documenter son intégration dans les opérations de pêche et d’alimenter les discussions régionales sur les mesures d’atténuation des prises accessoires. Présenté au cours de la huitième réunion technique sur la pêche côtière et l'aquaculture de la CPS, fin octobre, le dispositif a suscité un vif intérêt, notamment pour des applications possibles à d'autres types de pêcheries.
Un enjeu de conservation
En Nouvelle-Calédonie, toutes les espèces d’élasmobranches - requins et raies - sont protégées par l’arrêté du 23 avril 2013 qui interdit la pêche, la détention de tout ou partie de l’animal, ainsi que sa commercialisation.
La technique de pêche pratiquée localement utilise des bas de ligne en nylon qui permettent au requin capturé de se libérer facilement en sectionnant la ligne. Néanmoins, la capture accidentelle des requins sur les lignes appâtées reste difficile à éviter.
Les équipages, sensibilisés aux méthodes de traitement des animaux, s’appliquent à les relâcher dans les meilleures conditions : chaque année près de 95 % des requins capturés à la palangre sont relâchés vivants. Aucun requin n’est remonté à bord des navires.
La nécessité de réduire ces prises accidentelles représente un enjeu à la fois écologique, pratique et économique : les éviter permettrait une meilleure disponibilité des appâts pour les espèces ciblées, moins de manutention pour libérer les requins et reconstruire les lignes où les hameçons sont sectionnés, moins de risque pour les pêcheurs, moins de pertes de matériel et de coûts associés…
Cet enjeu est également régional : la Commission des pêches du Pacifique occidental et central (WCPFC) impose aux pays membres et participants des mesures de conservation pour assurer la protection à long terme des populations de requins (Conservation and Management Measures for sharks - 2019-04).
La Nouvelle-Calédonie, au titre de « territoire participant » au sein de la WCPFC, se conforme à ses obligations et, en appui à la Fédération des Pêcheurs Hauturiers, souhaite mettre en œuvre de nouvelles méthodes d’atténuation des prises de requins à la palangre horizontale dérivante.
Ce projet s’inscrit dans la volonté partagée des partenaires de promouvoir une pêche responsable, conforme aux engagements internationaux de la Nouvelle-Calédonie. En associant innovation technologique, savoir-faire professionnel et expertise scientifique, la Nouvelle-Calédonie se positionne comme territoire pilote dans la région Pacifique pour le développement d’outils de réduction des prises accidentelles de requins.
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La Fédération des pêcheurs hauturiers de la Nouvelle-Calédonie
Les quatre armements de la filière de pêche hauturière calédonienne comptent 13 navires palangriers actifs dans la Zone Économique Exclusive de la Nouvelle-Calédonie.
Le thon pêché localement contribue intégralement à l’autosuffisance alimentaire des consommateurs calédoniens en protéines issues de la mer.
La totalité de la filière est labélisée « Pêche responsable » et exerce, de fait, une pêche vertueuse, à la palangre horizontale dérivante. Cette pression de pêche très faible maintient la biodiversité et garantit des ressources pérennes pour les générations futures.
En contribuant au programme « Sentinelles des mers », les navires de la fédération participent activement à la surveillance du parc naturel de la mer de Corail.
Fishtek Marine
Basée au Royaume-Uni, Fishtek Marine conçoit, teste et fabrique des technologies innovantes destinées à réduire l’impact environnemental des activités de pêche et maritimes à l’échelle mondiale. Ses solutions sont développées par une équipe d’ingénieurs et de scientifiques halieutiques, en partenariat avec les pêcheurs, pour concilier performance économique et préservation de la biodiversité marine.