Nos récifs vierges sous haute protection

16 août 2018

environnement

Conférence de presse à bord du Louis-Hénin

Le parc naturel de la mer de Corail est désormais doté de 28 000 km2 de réserves. Trois arrêtés adoptés mardi 14 août par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en définissent très précisément les contours. Ces textes, qui ont fait l’objet d’une consultation publique du 28 juin au 12 juillet, marquent une étape décisive pour l'avenir du Parc.

Devenir leader de la dynamique environnementale marine. C’est l’ambition affirmée par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à travers trois arrêtés adoptés ce mardi 14 août. Au cœur de ces textes : la protection et la valorisation du parc naturel de la mer de Corail. La totalité des récifs pristines (vierges) du Parc, les plus précieux, sont désormais protégés, quatre mois seulement après le lancement des travaux de réflexion participative. « La Nouvelle-Calédonie devient le hot spot de la préservation de la biodiversité marine, notamment récifale », se réjouit Philippe Germain.

Le plus haut niveau de protection

Le premier arrêté instaure 28 000 km2 de réserves à Chesterfield, Bellona, Entrecasteaux, Pétrie et Astrolabe. Parmi elles, 7 000 km2 accèdent au statut de « réserve intégrale » (contre 0,6 km2 jusqu’alors). Il s’agit du plus haut niveau de protection du référentiel de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Par ce classement, aucun accès ni aucune activité humaine ne sont autorisés, sauf dans le cadre de recherches scientifiques validées au préalable par arrêté du gouvernement.

 

Récif Pétrie ©Pierre Laboute, Conservation International

 

Les autres 21 000 km2 sont classés « réserves naturelles » (contre 3 100 km2 auparavant). Dans ces espaces situés au-delà du lagon sont interdits pêche, chasse, bivouac, pique-niques ou sports nautiques. L’accès est soumis à stricte autorisation du gouvernement.

Un tourisme réglementé

Le deuxième arrêté fixe le cadre dans lequel les activités touristiques professionnelles pourront s’exercer dans les réserves naturelles. L’accès à ces réserves est désormais interdit à tout bateau d’une capacité supérieure à 200 passagers. « Le tourisme dans nos eaux n’était pas réglementé. Jusqu’à présent, n’importe quelle croisière pouvait s’organiser dans l’espace du Parc sans en formuler la demande, souligne le président. Depuis ce matin, c’est terminé. Il y aura des règles à observer. Et la première sera d’obtenir une autorisation. »

Des croisières dites « expéditions » pourront, sous conditions très strictes (cahier des charges, observateurs embarqués), accéder à nos réserves naturelles – et non aux réserves intégrales –pour un maximum de 200 passagers. « Les conditions mises en place doivent assurer que ces expéditions ne portent pas atteinte à la biodiversité et à l’espace à découvrir », insiste l’exécutif.

Enfin, le troisième arrêté crée un plan d’actions dédié pour les atolls d’Entrecasteaux, qui renforce la protection en vigueur depuis leur inscription au patrimoine mondial de l’Unesco en 2008 et la création de l’aire protégée en 2013.

 

Colonie de sternes néreis à nuque noire ©Pierre Bachy SCO

Mobiliser la recherche et l’innovation

« On est parti de rien et aujourd’hui on a fait beaucoup », salue Didier Poidyaliwane, membre du gouvernement notamment en charge de l’écologie et du développement durable. Mais au-delà de la préservation de ce patrimoine naturel exceptionnel, « l’ambition est de développer un nouveau modèle », expose Philippe Germain. Jusqu’à présent, la richesse venait de l’exploitation des ressources naturelles que sont le poisson, les minéraux, etc. « On veut démontrer que la préservation peut aussi être une richesse. La zone des Chesterfield, par exemple, a la taille de la Nouvelle-Calédonie. Nous aurons besoin d’énormément de moyens pour l’observer, la sécuriser. Des moyens de surveillance dont l’Etat ne dispose pas. Il nous faut donc mobiliser la recherche et l’innovation, et trouver un nouveau modèle économique qui consiste à observer plutôt qu’à prélever. » Outre les recettes que pourront constituer les droits de passage (strictement limités) vers les sites naturels, il s’agit d’inventer ce nouveau modèle, avec le concours des ONG et des fonds internationaux.

 

A bord du Louis-Hénin : Ulric de la Batut, Philippe Germain, Didier Poidyaliwane et Edmond Porou

Une prise de conscience

« Quel Calédonien connaît le récif Pétrie ? lance le président. La première vertu de ce classement est de faire prendre conscience aux Calédoniens du patrimoine qu’ils ont, et de la nécessité de le préserver. » Didier Poidyaliwane précise : « Avec les coutumiers, on va tourner dans le pays pour informer la population. La communauté internationale nous regarde, mais il faut aussi que les Calédoniens soient informés. » Edmond Porou, président du Conseil coutumier de l’aire Hoot Ma Whaap acquiesce.

Pour Christophe Chevillon, directeur de l’ONG The Pew Charitable Trusts en Nouvelle-Calédonie, « la Nouvelle-Calédonie s’est dotée des deux plus hauts niveaux de protection, pour les derniers récifs à peu près intacts de la planète. C’était une priorité des associations d’arriver à les protéger. C’est une avancée considérable, mais il faut continuer. »

 

Entrecasteaux, tortue verte ©Nicolas Petit

Florent Pithon, président de la Fédération des pêcheurs hauturiers de la Nouvelle-Calédonie, salue lui aussi cette « avancée significative ». Soulignant que les thons trouvent dans la ZEE calédonienne un refuge important, il voit dans la protection actée aujourd’hui une « reconnaissance » des pratiques responsables des pêcheurs calédoniens (labellisées depuis 2017), et souhaite qu’elles « puissent être exportées vers nos voisins de Fidji, du Vanuatu, des Salomon… et servir d’exemple de développement vertueux ».

Essaimer dans toute la région

C’est l’ambition de l’exécutif : que cette volonté politique forte de protéger et valoriser notre patrimoine récifal commun essaime dans tout le Pacifique et « que la Nouvelle-Calédonie devienne un modèle ». C’est aussi le souhait adressé par John F. Kerry, ancien secrétaire d’Etat américain et ambassadeur de l’ONG Pew, à travers un courrier de félicitations remis au président Philippe Germain, qui encourage notamment à exporter notre modèle dans la région.

Courrier de John F. Kerry

 

Les dates-clés du parc naturel de la mer de Corail

23 avril 2014 : arrêté de création du Parc

2 mars 2015 : arrêté de création du comité de gestion

28 mai 2015 : 1er comité de gestion, lancement des travaux d’écriture du plan de gestion

20 décembre 2016 : le 4e comité de gestion acte le plan de gestion 2018-2022

1er au 28 février 2017 : consultation publique sur le projet de plan de gestion

Septembre 2017 : candidature de la Nouvelle-Calédonie au projet TIGA

28 février 2018 : 5e comité de gestion

19 mars 2018 : arrêté validant le plan de gestion 2018-2022

20 juin 2018 : le 6e comité de gestion valide les projets d’arrêtés et demande la consultation du public

26 juillet 2018 : le 7e comité de gestion adopte les projets

14 août 2018 : arrêtés relatifs à la protection et à la conservation des récifs éloignés

Un tiers des récifs vierges de la planète sous notre protection

Le Parc naturel de la mer de Corail constitue une aire marine protégée de près de 1,3 million de km2, l’une des plus importantes au monde. On y recense plus de 2 000 espèces de poissons, 310 espèces de coraux, plus d’un tiers des récifs vierges (ou « pristines ») de la planète et plus de 149 monts sous-marins.

La gouvernance du Parc est assurée par un comité de gestion, qui élabore et propose le plan de gestion, émet des avis sur sa mise en œuvre, son évaluation, ainsi que sur tout autre sujet en lien avec la gestion durable du Parc. En font partie : l’Etat, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, les autorités coutumières, les ONG environnementales, les professionnels du tourisme et de la pêche hauturière. Un comité scientifique, chargé d’éclairer le comité de gestion dans ses travaux, vient en outre d’être constitué.