« Les enjeux de biodiversité dans le Parc sont énormes »

04 juillet 2019

Science

Claude Payri, vice-présidente, et Gilles Boeuf, président du comité scientifique du Parc naturel de la mer de Corail

Claude Payri, vice-présidente, et Gilles Boeuf, président du comité scientifique du Parc naturel de la mer de Corail

À l’occasion de sa visite en Nouvelle-Calédonie, Gilles Boeuf a présidé le 26 juin le 3e comité scientifique du Parc naturel de la mer de Corail, une entité créée par le gouvernement en septembre 2018. Le spécialiste de la biodiversité marine et Claude Payri, vice-présidente du comité, répondent à nos questions.

Quel est le rôle du comité scientifique du Parc naturel de la mer de Corail ?

Gilles Bœuf : Le comité scientifique est un organe consultatif. Notre rôle est de faire un état des lieux des connaissances scientifiques et d’éclairer le comité de gestion du Parc sur des questions qu’il nous pose ou que nous pouvons nous-mêmes suggérer. Nous ne devons faire que de la science et non rendre des opinions. La Nouvelle-Calédonie a un patrimoine exceptionnel qui mérite une attention particulière. Je regrette qu'il ait fallu quatre ans pour mettre en place ce comité scientifique. Il faut rattraper le temps perdu et il y aura forcément des ajustements par rapport à des décisions qui ont déjà été prises.

Claude Payri : Le comité scientifique s’appuie sur le plan de gestion qui a été adopté, sachant que celui-ci pourra évoluer, dans le dialogue et l’échange, en fonction des travaux réalisés par le comité scientifique.

Quels travaux ont été menés par le comité scientifique depuis sa création ?

C. P. : Le comité s'est d'abord attaché à élaborer ses méthodes de travail et à mettre en place un règlement intérieur, ainsi qu'une charte d’éthique et de déontologie, ce qui est très important car les scientifiques doivent travailler en toute indépendance et transparence. Nous avons déjà rendu plusieurs avis notamment sur l’échouement du Kea Trader et des campagnes scientifiques programmées dans le Parc. Toutefois, notre premier travail a été d'identifier les principaux enjeux scientifiques en lien avec le plan de gestion, en particulier les questions de préservation et de conservation au sein du Parc, avec un focus sur les monts sous-marins et les îles hautes (Walpole, Matthew et Hunter). Nous nous penchons également sur le suivi des récifs et des îles éloignées.

Quel calendrier a été établi ?

C. P. : D'ici à juillet, nous allons rendre une synthèse, compréhensible par les gestionnaires, de l’information scientifique faisant état des richesses naturelles, ainsi que des connaissances sur les usages concernant les monts sous-marins. La seconde partie de l’analyse sera de désigner l’intérêt écologique de ces écosystèmes et d’établir les pressions qu’ils subissent afin de proposer une gestion adaptée permettant de concilier la préservation de ces biens uniques avec les usages que l’on souhaite faire au sein du Parc. Cette étape devrait être prête d’ici à la fin de l’année. Enfin, il s'agira de traduire ces réflexions en stratégie et en outils de conservation comme par exemple la délimitation de nouvelles zones de réserve. Cette méthode de travail a été validée par les comités de gestion et scientifique.  

Quels sont les enjeux pour le Parc naturel de la mer de Corail ?

G. B. : Parmi les parties du monde qui sont exploitées, voire surexploitées, la Nouvelle-Calédonie est la seule zone de la région à ne pas être dans le rouge ! Les enjeux de biodiversité sont énormes. Il faut maintenir cette situation et fixer ce qu'on laisse faire ou ne pas faire. C'est pour cela que le comité scientifique s'est aussi saisi de la question du tourisme pour éventuellement tirer la sonnette d'alarme, mais toujours en se basant sur des données factuelles. Sur l'île de Pâques, il était convenu il y a 20 ans qu'il ne fallait pas dépasser 6 000 touristes par an. Ils sont 100 000 aujourd'hui !

Comment concilier préservation de la biodiversité et activités humaines ?

G. B. : Toute économie qui consiste à détruire la nature ou à la surexploiter, c'est terminé ! Nous n'avons que des exemples catastrophiques de par le monde. La science est là pour nous aider à remettre de l'harmonie dans le système.

Claude Payri : Le développement doit se concevoir dans un sens durable, harmonieux, de partage et d'équité. Comment y parvenir ? C'est tout le travail qui doit être fait en étroite collaboration entre le comité de gestion, le comité scientifique et le futur groupement d'intérêt public (GIP) du Parc naturel de la mer de Corail qui assurera la coordination.

 

Un programme chargé

Le sixième séjour de Gilles Boeuf en Nouvelle-Calédonie s'est déroulé du 9 au 27 juin. Ce déplacement était motivé par plusieurs raisons : la réunion du comité scientifique du Parc naturel de la mer de Corail dont il est le président, une intervention le 21 juin à la 11e conférence de la Communauté du Pacifique et l'atelier régional sur la biodiversité en Océanie qui s'est tenue les 24 et 25 juin à la CPS et à l'IRD. L'expert a par ailleurs animé six conférences notamment une à destination des acteurs économiques et une autre sur le Parc, avec Daniel Pauly, un autre membre du comité scientifique. Entre sa première venue au début des années 1990 et aujourd'hui, le spécialiste a senti un net changement : « Il y a une évolution dans la prise en compte de la biodiversité même dans des milieux où cela n'était pas évident auparavant comme le secteur économique. Cette prise de conscience mondiale est aussi présente en Nouvelle-Calédonie. »